jeudi 18 avril 2013

Pendant ce temps, au Konardistan

L'attentat de Boston et les réalités de la crise ne doivent pas nous faire oublier les événements inquiétants qui ont lieu depuis quelques mois au Konardistan, petite république du moyen-orient à majorité musulmane.

En mai dernier s'est tenue l'élection présidentielle, avec la victoire du candidat du parti laïc progressiste Haswa Wohland face à son adversaire conservateur modéré Neklah Zawkozi, au terme d'une campagne électorale très dure dans un climat pesant. On pensait que le pays allait vers un certain apaisement après le départ du très controversé Zawkozi, qui avait multiplié les appels du pied aux ultra-religieux durant la campagne électorale sous l'influence de son principal conseiller, ancien militant et toujours proche des milieux islamistes.

En réalité l'ambiance politique et sociale n'a jamais été aussi hystérique. L'élément déclencheur semble être le vote de la loi autorisant le mariage mixte entre musulmans et non musulmans, promesse de campagne majeure du camp progressiste.

En effet, bien que le Konardistan soit une république laïque depuis plus d'un siècle, l'islam y tient une place prépondérante, et bien qu'en déclin notable depuis de nombreuses années avec la progression du niveau général d'éducation, son influence reste majeure dans les textes de loi existants. Ainsi, le mariage civil n'est que la traduction laïcisée de l'institution religieuse suite à la loi de sécularisation de 1905, et à l'image de son pendant religieux, le mariage civil prohibe explicitement toute union entre musulman et non musulman.

L'extension du droit au mariage pour tous est une vieille revendication des milieux progressistes, pour lesquels cette interdiction n'a aucun fondement constitutionnel dans un régime laïc, d'autant qu'il existe une petite minorité chrétienne historique en mal de statut social. Héritage d'un certain conservatisme latent, les relations sexuelles entre musulman et non musulman n'ont été légalisées qu'en 1982. Les couples mixtes restent sujets de tensions sociales et familiales qui peuvent aller jusqu'au crime d'honneur. La dernière avancée date de 1999 avec l'adoption de l'union civile sans discrimination de religion par la majorité progressiste de l'époque (dont le parti principal était dirigé par le même Wohland).

On se souvient que le camp conservateur avait alors violemment combattu ce texte qui selon eux menaçait les structures sociales du pays, avec Karist'een Bhoutah l'égérie du mouvement brandissant un Coran en plein parlement. 14 ans plus tard on pensait que les esprits s'étaient apaisés, de nombreux dirigeants ayant fait leur mea culpa et admis que ce texte n'avait pas bouleversé la société konarde, et que chose étonnante, la plupart des contrats se concluaient entre musulmans : les chrétiens étant estimés à environ 4% de la population (bien que ceux pratiquant dans le secret soient encore très nombreux à cause des pressions familiales), on a constaté une proportion similaire d'unions mixtes.

Or ces derniers temps il semblerait que la société konarde renoue avec ses vieux démons christianophobes. L'opposition se cristallise désormais autour de ce projet emblématique, promesse majeure du candidat Wohland. Sur fond de crise économique, les manifestations anti-mariage pour tous se multiplient sous le nom de "Manif pour tous", avec à leur tête l'ancien humoriste Rachid Barjoh. C'est lors de la dernière manifestation de masse sur l'artère principale de la capitale le 24 mars dernier que les premières violences ont eu lieu. Des militants salafistes essayèrent ainsi de forcer le barrage policier protégeant les accès au palais présidentiel, récoltant en retour une nuée de gaz lacrymogènes. Certains manifestants voulant se servir de leurs femmes voilées comme boucliers humains furent dissuadés par d'autres par peur des violences. Et au coeur du cortège les slogans se multiplièrent :
"Tous gardiens de la charia"
"Le mariage c'est une musulmane, un musulman, on ne ment pas aux enfants"
"Touche pas à mon Coran"
"Occupe-toi du chômage, pas du mariage aves les kafirs"
Suite à cette manifestation, le ministre de l'intérieur Nawel Vals fut vivement critiqué par le mouvement, tant pour sa gestion des débordements (les gaz auraient atteint des enfants) que sur les méthodes policières d'estimation du nombre de manifestants, selon eux scandaleusement sous-estimés à 340 000 alors que les chiffres des organisateurs atteignaient 1,5 millions, voire même 2 millions selon Karist'een Bhoutah (désormais leader du Parti Musulman Démocrate) dans une lettre adressée à ses frères saoudiens où il prétend avoir subi une perte de connaissance après un assaut des nervis du régime.

Du côté du parti conservateur, les voix s'élèvent pour dénoncer un déni de démocratie, et ce malgré les nombreuses conciliations du pouvoir progressiste envers les opposants : les représentants des associations longuement reçus au palais présidentiel avant l'examen du texte au parlement, le gouvernement accordant deux semaines de débats pour prendre en compte l'intégralité des quelque 5000 amendements déposés par l'opposition, etc. Malgré cela, le président contesté de l'Union des Musulmans Populaires, Jafar-Souad Khopé, dénonce ce texte conçu selon lui pour détourner les Konards des vrais problèmes dus à la crise économique. De nombreux leaders de l'opposition réclament un référendum sur la question, bien que la constitution l'interdise (ironiquement à cause du refus de l'opposition actuelle à l'époque où elle était au pouvoir). D'autres dénoncent l'influence du "lobby chrétien" dans l'élaboration d'un texte fait pour complaire à un électorat réputé progressiste. Et certains appellent à la démission du président et de son gouvernement, pourtant largement élu en juin dernier.

Tout au long des débats houleux, on vit se multiplier les incidents tant dans l'enceinte du parlement ainsi qu'à l'extérieur. Un député salafiste déposa ainsi un amendement légalisant l'inceste ou la pédophilie. Des députés conservateurs enchaînèrent les incidents de séances, les rappels au règlement, et les invectives souvent insultantes envers la minorité chrétienne. Tel député mit ainsi en garde contre la pente glissante que constituait le mariage mixte, déclarant : "aujourd'hui on autorise les mariages avec les chrétiens, demain ce sera avec des animaux, ou pire encore, des homosexuels". Tel autre cita des études de l'université Al Azhar selon laquelle les enfants ont besoin d'identité religieuse, et que deux parents de religion différente leur provoquerait un choc psychologique grave. Un autre cria à l'adresse du gouvernement qu'avec ce texte on "assassine des enfants". Et en marge beaucoup dénoncent un texte qui légitime une union "contre nature".

Côté rue, la situation semble désormais échapper au contrôle des leaders du mouvement d'opposition, notamment depuis la décision du gouvernement d'accélérer le calendrier parlementaire (le texte ayant été adopté par les deux chambres, ne restent que des articles annexes). Rachid Barjoh a ainsi déclaré devant la multiplication des incidents : "Wohland veut du sang, il en aura". "Nous ne sommes plus dans un pays démocratique", ajouta-t-il un peu plus tard. La semaine dernière, une militante laïciste chrétienne, Karima Fouhrest, après que son train fût bloqué par des manifestants au départ de province, a été violemment prise à partie par des centaines de manifestants salafistes à son arrivée dans la gare de la capitale, dont un prédicateur en tenue traditionnelle juché sur un promontoire, et a dû être escortée par des policiers. Depuis elle a reçu des menaces de mort déguisées sur un site extrémiste. La façade d'un forum d'associations chrétiennes est saccagé par des militants du mouvement de jeunesse de l'Union des Musulmans Populaires. Le mouvement fondamentaliste Sharia4Konardistan multiplie les prières de rue et met en garde contre le "châtiment divin" qui détruirait le pays si ce texte était adopté. Un bar chrétien est attaqué par des salafistes. Un caméraman est agressé alors qu'il couvre les manifestations autour du parlement. A travers le pays, c'est la parole christianophobe qui s'est libérée. Et tout le monde se demande désormais jusqu'où iront les opposants, qui parlent de révolution et de "Printemps Konard" sur le modèle arabe. On attend avec angoisse le premier mort (quitte à inventer des agressions et des morts côté opposants).

Dans le reste du monde, les pays occidentaux se déclarent préoccupés par les dérives extrémistes, et menacent de sanctions si rien n'est fait pour prévenir les agressions de chrétiens qui se multiplient. Certains pays envisagent même une intervention militaire en cas d'émeutes pour protéger les minorités du pays.

En France, beaucoup se désolent du spectacle donné par ce pays qui avait pourtant suscité l'espoir après l'élection du progressiste Wohland. Le polémiste Yvan Rioufol y voit la preuve que l'islam est définitivement incompatible avec la démocratie et appelle à soutenir le projet et Karima Fouhrest.


Franchement, quand on voit ce qui se passe dans d'autres pays, on est quand même heureux de vivre en France, patrie des droits de l'homme, phare du progrès.



MISE A JOUR 19/04/2013 09:45 : Après une longue nuit émaillée d'incidents, dont une échauffourée provoquée par l'opposition pour un regard de travers de la part d'un commissaire du gouvernement (un député d'opposition venait d'évoquer Sarajevo pour qualifier le traitement policier envers les manifestants), la chambre basse du parlement a enfin terminé la seconde lecture des derniers articles du projet. Les députés de l'opposition qui avaient réclamé à plusieurs reprises un report des débats au lendemain dénoncent un coup de force. Les manifestants appellent à poursuivre les actions à l'encontre du gouvernement dans les jours qui suivent.

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