lundi 29 avril 2013

Union nationale de droite

Voici la dernière lubie des instituts de sondage et des éditocrates en mal de polémique : il faut à la France un gouvernement d'union nationale ! Tout ça parce que les Italiens ont dû se résoudre à recourir à ce pis-aller faute de majorité suffisante pour former un gouvernement classique. Où quand le blocage institutionnel d'un pays au système politique baroque devient l'exemple à suivre.

Pourquoi donc une union nationale ? Parce que le président et le gouvernement sont impopulaires. Quelle surprise : la France et l'Europe traversent la pire crise économique depuis plus d'un siècle (et oui, on a même dépassé les années 30 si l'on compare les trajectoires de reprise en %PIB), le tout alimentée par une politique économique débile et aveuglément idéologique dont l'Allemagne est la principale responsable (mais chut! il ne faut surtout pas le dire), et certains s'étonnent de l'impopularité du pouvoir.

Ainsi Hollande serait le président le plus impopulaire de l'histoire de la 5e république. C'est au passage oublier qu'Hollande n'a jamais été particulièrement populaire, puisqu'il n'a jamais dépassé les 55% depuis son élection et n'a jamais connu d'état de grâce, contrairement à Sarkozy qui a commencé à 65% et touché le fond à 20% en mai 2011 (chiffres TNS Sofres). Dans le genre gadin historique on pourra difficilement faire mieux.

En fait on se rend bien compte aujourd'hui qu'Hollande n'a jamais eu vraiment de majorité pour gouverner, malgré la loupe grossissante du scrutin législatif majoritaire uninominal. La présidentielle a été serrée et le pays est resté profondément divisé depuis, à droite certes mais surtout à gauche.

Et aujourd'hui que veulent les éditocrates ? Qu'Hollande fasse alliance avec Bayrou ! C'est une évidence : si tu perds l'aile gauche de ton électorat parce que ta politique est jugée trop à droite, si tu as du mal à tenir tes troupes parce la politique d'austérité poussée au niveau européen par l'Allemagne est suicidaire (même si parler d'austérité pour la France est inapproprié), que dois-tu faire ? Et bien, t'allier à un leader du centre "ni gauche-ni gauche", sans troupes, et adepte de l'austérité la plus sauvage pardi ! Il faut vraiment être un ramolli du bulbe pour penser qu'une telle décision pousserait dans les bras de Mélenchon le peu d'électorat qu'il te reste, n'est-ce pas ?

Cette histoire d'union nationale c'est uniquement la traduction du procès en illégitimité permanent qui est systématiquement fait aux gouvernements de gauche. Comme par hasard, quand la droite est au pouvoir, l'union nationale ne concerne plus le gouvernement mais les parlementaires de gauche qui doivent voter les projets de droite sans discussion, on l'a vu à plusieurs reprises sous Sarkozy-Fillon.

Donc en résumé, ce que veulent ces beaux penseurs de salons parisiens, c'est un gouvernement d'union nationale de droite.

mardi 23 avril 2013

lundi 22 avril 2013

Le buzz en carton du jour

Aujourd'hui toute la blogoboule politique française s'agite autour d'un événement d'une importance considérable : la visite "secrète" d'une bande de joyeux blogueurs de gauche à l'Elysée. Je ne vous mets pas de liens car 1. je suis pressé et j'ai pas le temps, démerdez-vous, et 2. tout le monde en parle déjà donc difficile d'y échapper (Morandini en fera sûrement un sujet exclusif la semaine prochaine).

Toujours est-il qu'un groupe de left-blogueurs qui constitue l'essentiel de ma blogroll a été cordialement et informellement invité par François Hollande ce dimanche, semble-t-il pour les remercier de leur implication pendant la campagne. Et comme certains ex-blogueurs comme Romain Pigenel travaillent désormais au Château, ça constitue donc un genre de réunion de famille politique plutôt sympathique.

Et aujourd'hui, vla-t-y pas que ce non-événement confidentiel (dans tous les sens du terme) devient à travers la loupe grossissante des médias une "opération de communication" pour sortir le pouvoir de l'ornière d'impopularité dans lequel il est embourbé.

Dites-moi les gens : expliquez-moi avec des mots simples, comme si j'avais 5 ans, en quoi une simple invitation censée restée discrète peut-elle constituer une opération de com', surtout avec un objectif aussi ambitieux ?

On est donc ici en présence d'un méta-événement typique de ce le Net peut produire : un non-événement anodin qui génère un buzz cent fois plus gros que lui. Et puis comme ça, ça donnera du grain à moudre à tous ceux qui trouvent la communication élyséenne à chier : regardez comme ils sont nuls, même quand ils ne font pas de com' ils se plantent.

Interpréter chaque mouvement de sourcil comme une opération de communication, c'est le symptôme d'une maladie qui porte un nom : le sarkozysme. On dirait qu'après 5 ans de tektonik institutionnelle, les français aient un peu du mal à se désaccoutumer.

Je connais une bande de blogueurs qui doivent bien se marrer en ce moment.

Faut que je file, j'ai une réunion d'agence et un apéro derrière (true story). J'espère que ça finira pas en #TT demain.

jeudi 18 avril 2013

Pendant ce temps, au Konardistan

L'attentat de Boston et les réalités de la crise ne doivent pas nous faire oublier les événements inquiétants qui ont lieu depuis quelques mois au Konardistan, petite république du moyen-orient à majorité musulmane.

En mai dernier s'est tenue l'élection présidentielle, avec la victoire du candidat du parti laïc progressiste Haswa Wohland face à son adversaire conservateur modéré Neklah Zawkozi, au terme d'une campagne électorale très dure dans un climat pesant. On pensait que le pays allait vers un certain apaisement après le départ du très controversé Zawkozi, qui avait multiplié les appels du pied aux ultra-religieux durant la campagne électorale sous l'influence de son principal conseiller, ancien militant et toujours proche des milieux islamistes.

En réalité l'ambiance politique et sociale n'a jamais été aussi hystérique. L'élément déclencheur semble être le vote de la loi autorisant le mariage mixte entre musulmans et non musulmans, promesse de campagne majeure du camp progressiste.

En effet, bien que le Konardistan soit une république laïque depuis plus d'un siècle, l'islam y tient une place prépondérante, et bien qu'en déclin notable depuis de nombreuses années avec la progression du niveau général d'éducation, son influence reste majeure dans les textes de loi existants. Ainsi, le mariage civil n'est que la traduction laïcisée de l'institution religieuse suite à la loi de sécularisation de 1905, et à l'image de son pendant religieux, le mariage civil prohibe explicitement toute union entre musulman et non musulman.

L'extension du droit au mariage pour tous est une vieille revendication des milieux progressistes, pour lesquels cette interdiction n'a aucun fondement constitutionnel dans un régime laïc, d'autant qu'il existe une petite minorité chrétienne historique en mal de statut social. Héritage d'un certain conservatisme latent, les relations sexuelles entre musulman et non musulman n'ont été légalisées qu'en 1982. Les couples mixtes restent sujets de tensions sociales et familiales qui peuvent aller jusqu'au crime d'honneur. La dernière avancée date de 1999 avec l'adoption de l'union civile sans discrimination de religion par la majorité progressiste de l'époque (dont le parti principal était dirigé par le même Wohland).

On se souvient que le camp conservateur avait alors violemment combattu ce texte qui selon eux menaçait les structures sociales du pays, avec Karist'een Bhoutah l'égérie du mouvement brandissant un Coran en plein parlement. 14 ans plus tard on pensait que les esprits s'étaient apaisés, de nombreux dirigeants ayant fait leur mea culpa et admis que ce texte n'avait pas bouleversé la société konarde, et que chose étonnante, la plupart des contrats se concluaient entre musulmans : les chrétiens étant estimés à environ 4% de la population (bien que ceux pratiquant dans le secret soient encore très nombreux à cause des pressions familiales), on a constaté une proportion similaire d'unions mixtes.

Or ces derniers temps il semblerait que la société konarde renoue avec ses vieux démons christianophobes. L'opposition se cristallise désormais autour de ce projet emblématique, promesse majeure du candidat Wohland. Sur fond de crise économique, les manifestations anti-mariage pour tous se multiplient sous le nom de "Manif pour tous", avec à leur tête l'ancien humoriste Rachid Barjoh. C'est lors de la dernière manifestation de masse sur l'artère principale de la capitale le 24 mars dernier que les premières violences ont eu lieu. Des militants salafistes essayèrent ainsi de forcer le barrage policier protégeant les accès au palais présidentiel, récoltant en retour une nuée de gaz lacrymogènes. Certains manifestants voulant se servir de leurs femmes voilées comme boucliers humains furent dissuadés par d'autres par peur des violences. Et au coeur du cortège les slogans se multiplièrent :
"Tous gardiens de la charia"
"Le mariage c'est une musulmane, un musulman, on ne ment pas aux enfants"
"Touche pas à mon Coran"
"Occupe-toi du chômage, pas du mariage aves les kafirs"
Suite à cette manifestation, le ministre de l'intérieur Nawel Vals fut vivement critiqué par le mouvement, tant pour sa gestion des débordements (les gaz auraient atteint des enfants) que sur les méthodes policières d'estimation du nombre de manifestants, selon eux scandaleusement sous-estimés à 340 000 alors que les chiffres des organisateurs atteignaient 1,5 millions, voire même 2 millions selon Karist'een Bhoutah (désormais leader du Parti Musulman Démocrate) dans une lettre adressée à ses frères saoudiens où il prétend avoir subi une perte de connaissance après un assaut des nervis du régime.

Du côté du parti conservateur, les voix s'élèvent pour dénoncer un déni de démocratie, et ce malgré les nombreuses conciliations du pouvoir progressiste envers les opposants : les représentants des associations longuement reçus au palais présidentiel avant l'examen du texte au parlement, le gouvernement accordant deux semaines de débats pour prendre en compte l'intégralité des quelque 5000 amendements déposés par l'opposition, etc. Malgré cela, le président contesté de l'Union des Musulmans Populaires, Jafar-Souad Khopé, dénonce ce texte conçu selon lui pour détourner les Konards des vrais problèmes dus à la crise économique. De nombreux leaders de l'opposition réclament un référendum sur la question, bien que la constitution l'interdise (ironiquement à cause du refus de l'opposition actuelle à l'époque où elle était au pouvoir). D'autres dénoncent l'influence du "lobby chrétien" dans l'élaboration d'un texte fait pour complaire à un électorat réputé progressiste. Et certains appellent à la démission du président et de son gouvernement, pourtant largement élu en juin dernier.

Tout au long des débats houleux, on vit se multiplier les incidents tant dans l'enceinte du parlement ainsi qu'à l'extérieur. Un député salafiste déposa ainsi un amendement légalisant l'inceste ou la pédophilie. Des députés conservateurs enchaînèrent les incidents de séances, les rappels au règlement, et les invectives souvent insultantes envers la minorité chrétienne. Tel député mit ainsi en garde contre la pente glissante que constituait le mariage mixte, déclarant : "aujourd'hui on autorise les mariages avec les chrétiens, demain ce sera avec des animaux, ou pire encore, des homosexuels". Tel autre cita des études de l'université Al Azhar selon laquelle les enfants ont besoin d'identité religieuse, et que deux parents de religion différente leur provoquerait un choc psychologique grave. Un autre cria à l'adresse du gouvernement qu'avec ce texte on "assassine des enfants". Et en marge beaucoup dénoncent un texte qui légitime une union "contre nature".

Côté rue, la situation semble désormais échapper au contrôle des leaders du mouvement d'opposition, notamment depuis la décision du gouvernement d'accélérer le calendrier parlementaire (le texte ayant été adopté par les deux chambres, ne restent que des articles annexes). Rachid Barjoh a ainsi déclaré devant la multiplication des incidents : "Wohland veut du sang, il en aura". "Nous ne sommes plus dans un pays démocratique", ajouta-t-il un peu plus tard. La semaine dernière, une militante laïciste chrétienne, Karima Fouhrest, après que son train fût bloqué par des manifestants au départ de province, a été violemment prise à partie par des centaines de manifestants salafistes à son arrivée dans la gare de la capitale, dont un prédicateur en tenue traditionnelle juché sur un promontoire, et a dû être escortée par des policiers. Depuis elle a reçu des menaces de mort déguisées sur un site extrémiste. La façade d'un forum d'associations chrétiennes est saccagé par des militants du mouvement de jeunesse de l'Union des Musulmans Populaires. Le mouvement fondamentaliste Sharia4Konardistan multiplie les prières de rue et met en garde contre le "châtiment divin" qui détruirait le pays si ce texte était adopté. Un bar chrétien est attaqué par des salafistes. Un caméraman est agressé alors qu'il couvre les manifestations autour du parlement. A travers le pays, c'est la parole christianophobe qui s'est libérée. Et tout le monde se demande désormais jusqu'où iront les opposants, qui parlent de révolution et de "Printemps Konard" sur le modèle arabe. On attend avec angoisse le premier mort (quitte à inventer des agressions et des morts côté opposants).

Dans le reste du monde, les pays occidentaux se déclarent préoccupés par les dérives extrémistes, et menacent de sanctions si rien n'est fait pour prévenir les agressions de chrétiens qui se multiplient. Certains pays envisagent même une intervention militaire en cas d'émeutes pour protéger les minorités du pays.

En France, beaucoup se désolent du spectacle donné par ce pays qui avait pourtant suscité l'espoir après l'élection du progressiste Wohland. Le polémiste Yvan Rioufol y voit la preuve que l'islam est définitivement incompatible avec la démocratie et appelle à soutenir le projet et Karima Fouhrest.


Franchement, quand on voit ce qui se passe dans d'autres pays, on est quand même heureux de vivre en France, patrie des droits de l'homme, phare du progrès.



MISE A JOUR 19/04/2013 09:45 : Après une longue nuit émaillée d'incidents, dont une échauffourée provoquée par l'opposition pour un regard de travers de la part d'un commissaire du gouvernement (un député d'opposition venait d'évoquer Sarajevo pour qualifier le traitement policier envers les manifestants), la chambre basse du parlement a enfin terminé la seconde lecture des derniers articles du projet. Les députés de l'opposition qui avaient réclamé à plusieurs reprises un report des débats au lendemain dénoncent un coup de force. Les manifestants appellent à poursuivre les actions à l'encontre du gouvernement dans les jours qui suivent.

jeudi 11 avril 2013

Suspects

Lu aujourd'hui cette réaction de Jean-Luc Mélenchon aux annonces faites hier par François Hollande (bon résumé chez Juan) :
Le problème, "ce n'est pas cette loi des suspects que vient d'inventer le président de la République en recyclant de vieux outils institutionnels qui existent déjà. Comme si le grand problème aujourd'hui, c'était l'honnêteté des élus", a déclaré à la presse l'ancien candidat à la présidentielle à son arrivée à la gare Saint-Charles à Marseille.
Mélenchon dépasse les bornes. Pour rappel, la loi des suspects, adoptée le 17 septembre 1793, fut l'une des plus terribles lois de l'arsenal répressif de la Terreur. Elle fut réclamée par Robespierre lui-même après la trahison de Dumouriez, et renforcée encore sous sa présidence de la Convention par la loi de Prairial, qui envoya plus de condamnés à la guillotine en 6 semaines que durant l'année qui précéda.

Robespierre dont Mélenchon se réclame en bloc et en détail à la moindre occasion, sur son blog notamment (661 mentions d'après Google).

Cherchez l'incohérence. Pour l'outrance, c'est tout trouvé : comparer une loi de la Terreur, responsable de milliers de morts envoyés à l'échafaud pour des raisons bien souvent arbitraires, avec des mesures qui ne feraient qu'aligner la France sur la plupart de ses voisins, c'est tout bonnement dégueulasse.

mercredi 10 avril 2013

Front de Gauche : populisme ou plébéisme ?

(au passage, Front de Gauche ou Parti de Gauche, vu que personne en pratique ne fait la différence ?)

La critique la plus récurrente contre le Front de Gauche et son leader Jean-Luc Mélenchon, c'est celle de "populisme". Non sans arguments, cela dit, comme nous le verront plus loin. Mais cette critique m'a toujours mis mal à l'aise, notamment par son aspect péjoratif et les sous-entendus qu'elle véhicule.

En premier lieu, elle provoque systématiquement la comparaison avec l'autre Front, le Front National, lui aussi cible récurrente de ce genre d'attaque. Le choix du mot "Front" n'y est d'ailleurs pas étranger (en plus d'avoir un sens, les mots ont une portée symbolique). Le Front de Gauche en joue même à l'occasion sur le thème du "choc des Fronts", eux qui se voient l'adversaire principal du parti nationaliste (sans grand succès électoral soit dit en passant). On ne peut donc pas les exonérer de toute responsabilité dans ce raccourci, et on peut même rétrospectivement s'étonner d'un tel choix vu les facilités qu'il procure à l'éditocratie. Ses géniteurs sont des professionnels de la politique qui ne pouvaient ignorer l'effet qu'engendrerait une telle proximité.

Qu'est-ce donc que le populisme ? Je me remémore un débat très intéressant dans l'émission Ce Soir Ou Jamais, à laquelle avait participé Mélechon et une philosophe dont j'ai oublié le nom, selon laquelle le marqueur du populisme était son absence d'idées et son recours systématique au peuple pour y pallier.

Or cette absence d'idées, qui caractérise parfaitement le Front National, c'est un procès qu'on ne peut absolument pas faire au Front de Gauche vu leur travail idéologique conséquent. Peut-on alors continuer à taxer le Front de Gauche de populisme ?

Creusons un peu plus. Wikipédia à la rescousse :
Le populisme désigne un type de discours et de courants politiques, prenant pour cible de ses critiques « les élites » et prônant le recours au « peuple » (d’où son nom), s’incarnant dans une figure charismatique et soutenu par un parti acquis à ce corpus idéologique. Il suppose l'existence d'une démocratie représentative qu’il critique. C'est pourquoi il est apparu avec les démocraties modernes, après avoir connu selon certains historiens une première existence sous la République romaine
Cette critique des élites, notamment de l'oligarchie et de l' "officialisme", elle est omniprésente dans le discours des responsables du Front de Gauche, chez Mélenchon bien sûr, mais aussi chez le Secrétaire national du PG François "17 salopards" Delapierre. La critique de la démocratie représentative également : la principale revendication institutionnelle du Front de Gauche est la mise en place de référendums révocatoires dans le cadre d'une extension du contrôle du peuple sur ses représentants élus.

Ces discours et revendications traduisent au passage une profonde césure au sein de la gauche, comme on peut le sentir lors de cette passe d'arme entre Delapierre et Pascal Durand, le Secrétaire national d'EELV au cours de l'émission Mots Croisés du 08/04/2013 ("Après Cahuzac : le soupçon"), vers 33 minutes :

http://www.france2.fr/emissions/mots-croises/diffusions/08-04-2013_50156


[Intégrale] Mots croisés du 08-04 à 22h55 par francetvinfo

Delapierre avait auparavant remis en cause la légitimité des magistrats, arguant de leur absence de représentativité populaire que confère l'élection au suffrage universel (vers 29 minutes, "des juges élus par personne"). Durand lui rappelle à juste titre que les magistrats sont légitimes dans une démocratie et que remettre en cause cette légitimité par cet argument est une critique de la démocratie et de notre République. Je suis totalement d'accord avec Durand sur ce point : dans une démocratie, la légitimité n'émane pas du peuple via l'élection au suffrage universel, mais de la Constitution. Les magistrats représentent le pouvoir judiciaire défini par la Constitution, ils rendent la justice au nom du peuple en votant les lois adoptées par le Parlement représentant le peuple (ce qui rend nécessaire sa représentativité, on est d'accord là-dessus). Les magistrats n'ont pas à être représentatifs du peuple et encore moins être élus. Le Front de Gauche veut-il une élection des magistrats comme aux USA, avec toutes les dérives que cela implique ? De même, les corps intermédiaires (comme les syndicats) et les associations sont légitimes pour s'exprimer dans une démocratie sociale comme la nôtre, et pourtant ils ne sont pas élus. Le Front de Gauche fait-il siennes les critiques récurrentes de la droite envers les syndicats ? Les journalistes ne sont pas élus. Sont-ils légitimes ? Doit-on pouvoir les révoquer par référendum ou les soumettre à un contrôle populaire ?

Dans son discours, Durand confond donc représentativité et légitimité démocratique, ce que je trouve dangereux et pour tout dire populiste.

Revenons-en à la définition de ce mot. Un peu plus loin dans l'article Wikipédia :
Le populisme met en accusation les élites ou des petits groupes d'intérêt particulier de la société. Parce qu'ils détiennent un pouvoir, le populisme leur attribue la responsabilité des maux de la société : ces groupes chercheraient la satisfaction de leurs intérêts propres et trahiraient les intérêts de la plus grande partie de la population. Les populistes proposent donc de retirer l'appareil d'État des mains de ces élites égoïstes, voire criminelles, pour le « mettre au service du peuple ».
Là encore cette définition est relativement proche des solutions institutionnelles prônées par le Front de Gauche. Mais :
 Afin de remédier à cette situation, le dirigeant populiste propose des solutions qui appellent au bon sens populaire et à la simplicité. Ces solutions sont présentées comme applicables immédiatement et émanant d'une opinion publique présentée comme monolithique. Les populistes critiquent généralement les milieux d'argent ou une minorité quelconque (ethnique, politique, administrative, etc.), censés avoir accaparé le pouvoir ; ils leur opposent une majorité, qu'ils représenteraient.
Et c'est là où l'on voit que le Front de Gauche ne peut être qualifié de populiste, contrairement au FN. En effet le Front de Gauche ne se réclame jamais d'une quelconque "majorité silencieuse" ni d'un "bon sens populaire", bien au contraire. La définition qu'a le Front de Gauche du "peuple" n'a rien à voir avec ce fantasme véhiculé par les populistes, elle revient au contraire aux fondamentaux de la démocratie. Le Front de Gauche ne prône pas non plus l'avènement d'un chef qui exercerait le pouvoir au nom du peuple et au-dessus des corps intermédiaires et des instances représentatives, mais au contraire prône le transfert du pouvoir de contrôle du sommet vers la base.

Le Front de Gauche n'est donc pas populiste. Leurs critiques envers le "système" sont très (trop ?) similaires à celles exprimées par les partis populistes comme le FN, mais les solutions qu'ils proposent y sont diamétralement opposées.

En remplacement du terme de populisme, je propose donc l'emploi d'un néologisme pour qualifier le discours du Front de Gauche : le plébéisme. Le plébéisme prône le recours au peuple (la plèbe) face au système et à ses élites (les patriciens) pour revenir aux bases de la démocratie, par la mise en place d'un contrôle populaire direct sur les institutions démocratiques, afin de prévenir la main-mise d'une caste dirigeante sur le pouvoir et de corriger les dérives de la démocratie représentative qui le serait de moins en moins.

lundi 8 avril 2013

Dépucelage parlementaire pour les écolos

J'apprends à l'instant que le Parlement vient d'adopter une loi protégeant les lanceurs d'alerte. C'est apparemment la première fois qu'un texte écologiste est adopté. Félicitations à eux !

Il était temps, les "whisleblowers" sont protégés depuis 1863 aux USA. Oui, 1863, il n'y a pas d'erreur sur le second chiffre. C'est même devenu un thème récurrent du cinéma US :





En France on a eu Irène Frachon qui a révélé le scandale du Médiator avec d'autant plus de mérite qu'elle aurait pu y laisser sa carrière en l'absence de protection légale comme celle qui vient d'être adoptée.

Le changement c'est maintenant. Il était inutile d'attendre qu'un tel texte fût adopté sous la droite tant les conflits d'intérêts y sont généralisés à tous les niveaux (Xavier Bertrand, si tu m'entends...).

En tout cas ça fait plaisir d'apprendre une bonne nouvelle dans le climat actuel.

Libération du bois pour l'amer Nicolas

Le Nicolas du titre, c'est Nicolas Demorand, le dirlo de Libération, pas le gros avec une cravate à chier. Juste pour prouver que Libé n'a pas le monopole des calembours foireux (et puis avec Le Canard Enchaîné ils ont de la concurrence).

Sale week-end pour Libération. Après l'odieux titre mensonger "Mélenchon pour la «purification» éthique" qui rappelle les heures les plus sombres des blagues Carambar période rwandaise, voici qu'ils balancent un dimanche soir une "info" frelatée sur Fabius qui aurait un compte en Suisse. Piste parait-il "explorée" par Médiapart, aussitôt démentie comme il se doit par Fabius et ... Médiapart.


Et ce matin il paraît que c'est la faute aux réseaux sociaux. Tiens, ça me rappelle un film.



Je ne sais pas où va Libé, mais ils y vont à fond et en klaxonnant. Allez, continuez comme ça les gars, vous êtes bien partis pour vous faire racheter par Bernard Tapie ou un oligarque Russe et finir comme site Web de mots croisés. Pendant ce temps Sartre fait des toupies dans sa tombe, on devrait y fixer une génératrice.

vendredi 5 avril 2013

Mélenchon fait sa retape

Ce billet a failli s'appeler "Mélenchon fait le tapin", mais j'ai jugé ce titre inutilement provoc', et également contradictoire dans le sens où je me serais ainsi livré à ce que je suis sur le point de lui reprocher. Et puis j'ai eu cette après-midi une discussion très courtoise sur Twitter avec un sympathique militant FdG, @achabus, bien différent de la race de trolls gauchistes qui saute sur toute critique de son égérie et contribue à décrédibiliser son discours. C'est pour cette raison que ce billet n'est pas non plus taggé LaVraieGauche et apeau à trolls, preuve de ma bonne volonté à traiter du fond et pas de faire du LOL (même si ça fait du bien).

Tout est parti de cette interview du grand Yaka à France Info ce matin, juste après ce moment où j'accompagne la marmaille à l'école.


J.-L. Mélenchon à " La Matinale" de France Info... par lepartidegauche

On va résumer rapidement, on élaborera plus tard : Mélenchon veut surfer sur l'affaire Cahuzac pour réclamer un changement de régime par une Constituante, une 6e république, seule solution selon lui pour opérer un salutaire coup de balai. Le tout enrobé des attaques habituelles sur le "système" politique mais aussi médiatique, à coup de godille sémantique du style j'ai-bien-dit-"pourriture"-mais-j'ai-pas-dit-"tous pourris"-me-faites-pas-dire-ce-que-j'ai-pas-dit-petites-cervelles. Sur son blog Méluche en rajoute une couche sur l' "officialisme" et l'oligarchie, agrémenté de l'obligatoire référence à l'Incorruptible Robespierre, et qui atteint de nouveaux sommets dans le déshonneur par association dont il est coutumier.

Un militant FdG (lui aussi fort sympathique) que je fréquente sur un forum de discussion politique a l'habitude de dire que le PS c'est l'UMP sans la xénophobie. J'ai souvent envie de lui rétorquer que Jean-Luc Mélenchon c'est Marine Le Pen sans la xénophobie, tant les discours anti-système et victimaires (*) sont similaires (on arrêtera la comparaison ici bien entendu, leurs programmes respectifs n'ont rien à voir).

Bref, Mélenchon considère que l'affaire Cahuzac est le symptôme de la corruption irrémédiable d'un régime politique et que la seule solution est d'en changer. Traitons les problèmes à la source !




Intention louable mais je pense que c'est une erreur de diagnostic. @achabus n'est pas d'accord, c'est son droit. En effet aucun régime politique, a fortiori démocratique, n'est immunisé contre la corruption. On ne décrète pas la vertu par voie constitutionnelle. Ensuite Cahuzac aurait sans douté échappé aux solutions prônées par Mélenchon lui-même : son enrichissement ne s'est pas fait sur de l'argent public mais à travers ses activités de lobbying, qui se sont interrompues bien avant son entrée en politique. En quoi la publication de son patrimoine et de son évolution à l'occasion de ses différents mandats aurait-elle changé quoi que ce soit ? Mélenchon lui-même ne semble pas non plus un fervent partisan de la transparence si l'on en croit cet article publié il y a à peine deux semaines et déterré par Diego-san :

Quant au système médiatique qui selon Mélenchon est aussi pourri que le système politique, en quoi une nouvelle constitution pourrait-elle y remédier ? Doit-on rendre les journalistes eux aussi révocables par le peuple ? Renouveler de fond en comble la classe politique et suspendre une épée de Damoclès permanente au-dessus de la tête des élus ne changera rien à l'esprit de cour qui prévaut malheureusement chez les journalistes les plus en vue. A ce point de veulerie on est dans le domaine du Volksgeist et aucune loi, même fondamentale, n'y pourra rien changer. On ne transformera pas un vieux pays catholique et monarchique comme la France en une démocratie protestante scandinave par la magie d'un texte. Notre président précédent était très fort dans le maniement de l'arme législative, qui se révélait trop souvent plus proche du couteau à beurre que du katana japonais. Ne tombons pas dans les travers qu'on a passé 5 ans à dénoncer.

Dernier souci et non des moindres à propos de cette histoire de constituante. Bien que je sois moi-même partisan d'une 6e république tant les tares de la 5e sont nombreuses (son aspect monarchique, son manque d'équilibre des pouvoirs, la faiblesse des contre-pouvoirs, etc), j'ai même voté Montebourg à la primaire de 2011 sur cette promesse, et bien je ne suis pas du tout persuadé qu'une Constituante émanant du peuple aboutisse au résultat escompté par Mélenchon et le Front de Gauche, même en ce moment. Ceux-ci ont en effet une position très radicale sur le rôle des élus que ne partage pas forcément le reste de la population, n'oublions pas que la France est un pays très conservateur et majoritairement de droite (raison pour laquelle il est toujours délicat pour la gauche d'y gagner des élections nationales). Donc à quoi bon convoquer une Constituante si la Constitution qui en résulte n'adopte aucune des solutions avancées par ses principaux promoteurs ? Au contraire on pourrait parfaitement aboutir à l'effet inverse, le renforcement du pouvoir centralisé par la promesse de l'émergence d'un "homme fort".

On pourra aussi critiquer le timing, il y a certainement plus urgent que de bloquer les institutions pour une révision en période de crise (le porte-avion Charles-De-Gaulle bloqué pour révision en pleine guerre au Mali en serait une belle allégorie), mais j'admets la faiblesse de cet argument trop souvent servi pour justifier l'immobilisme. Cela dit je doute que les français y soient insensibles tant les sondages sur leurs préoccupations se suivent et se ressemble (le chômage toujours n°1).

Bref, la Constituante n'est pas la solution à nos problèmes. Notre 5e république s'accommodera très bien d'un renforcement des contrôles et des conditions d'éligibilité sans qu'on aie besoin d'en changer.




L'autre problème dans ce discours, c'est qu'en plus d'être une erreur de diagnostic c'est irresponsable dans le sens où ça accrédite dans l'esprit des gens le sentiment du "tous pourris". Le "système" serait tellement gâté jusqu'à l'os qu'il faudrait en changer de fond en comble par la volonté du peuple à travers une Constituante. Encore une fois, un discours peu éloigné sur la forme des discours frontistes, mais là aussi limitons la comparaison à la forme, vous ne me ferez pas dire que le FdG fait le jeu du FN (et pour cause, cf. ci-dessous).




La suite demain, qui portera sur l'opposition forme/fond dans le discours mélenchonniste (coeur de ma discussion d'aujourd'hui avec @achabus). Là, je suis crevé et je dois coucher les mômes.



(*) Mélenchon passe son temps à balancer des insultes à tout le monde, tout en se plaignant de celles qu'il reçoit, j'hésite à écrire "en retour" vu sa tendance à prendre les devants

jeudi 4 avril 2013

Affaire Cahuzac : ressortons les vieux dossiers


Non, pas dans le sens "déballage de poubelles". Je parle de ce vieux dossier, le rapport parlementaire "sur les obstacles au contrôle et à la répression de la délinquance financière et du blanchiment des capitaux en Europe", datant de 2000. Je crois me souvenir que cette mission parlementaire fut la plus longue de toute l'histoire de la 5e République.

Elle fut menée sous un gouvernement de gauche, dont le premier ministre était Lionel Jospin. Elle fut dirigée par deux jeunes députés PS pleins d'avenir. Son président et son rapporteur sont respectivement devenus ministres de l'Education Nationale et du Redressement Productif sous la présidence de François Hollande. Leurs noms : Vincent Peillon et Arnaud Montebourg.

Sitôt revenue au pouvoir en 2002, la droite s'est assises sur ces travaux, pendant 10 ans, tout en dépénalisant les délits financiers et en enlevant à la justice les moyens de faire son travail.

La gauche n'a pas de leçon à recevoir de la droite à ce sujet. Les errements personnels d'un seul ne doivent pas faire oublier le travail collectif qui a été fait et qui reste à faire.

C'est le moment d'agir Monsieur le Président : ressortez les vieux dossiers. Les outils existent, vous l'avez justement rappelé lors de votre intervention télévisée, maintenant il faut s'en servir.

mercredi 3 avril 2013

Médiapart, souviens-toi que tu mourras

Dans la Rome antique, la coutume voulait que derrière le général triomphateur défilant dans les rues de Rome, se trouve un esclave lui répétant à l'oreille « Memento mori », « souviens-toi que tu mourras ». Lui rappelant ainsi la précarité de son existence, la fugacité de ces instants de triomphe, et la vanité que confère le pouvoir et la gloire, ce que les Grecs appellent l'hybris.

Aujoud'hui c'est le triomphe de Médiapart et de son fondateur et dirigeant Edwy Plenel. Certes il faut saluer l'exceptionnel travail de ce site d'information et notamment de son journaliste Fabrice Arfi, tombeur du ministre fraudeur fiscal Jérome Cahuzac. Cela dit il y a un certain nombre de choses qui me mettent mal à l'aise dans cette affaire, alors permettez-moi d'aller un peu à contre-courant du concert de louanges hypocrite auquel on assiste, et notamment de la part des journalistes de cour qui hier encore fustigeaient leur concurrent et ses manières si peu feutrées. Je choisis donc de jouer modestement le rôle du petit esclave anonyme et invisible qui susurre à l'oreille du vainqueur.

Car même si aujourd'hui la vérité éclate et confirme l'enquête de Médiapart, les choses n'ont pas toujours été aussi convaincantes. Pour tout dire, c'est le tweet suivant qui m'a poussé à écrire ce billet :


C'est certainement ma culture scientifique qui veut ça, mais les gens qui n'ont aucun doute m'effraient. Toute affirmation est réfutable, toute preuve est critiquable, douter est un devoir. Et le doute doit toujours profiter à l'accusé.

Quelqu'un qui n'a aucun doute sur son son intime conviction, ce n'est pas un journaliste, c'est un procureur. Fabrice Arfi parle en procureur. Ce n'est pas son rôle. Son rôle en tant que journaliste est d'apporter des informations et de nous éclairer. C'est ce qu'il a fait, c'est ce qui a convaincu la justice d'ouvrir une enquête, et c'est ce qui a abouti à la chute du ministre fraudeur. C'est une grande victoire du journalisme indépendant (Médiapart n'a aucun revenu publicitaire ou actionnariat industriel). Mais cette victoire n'autorise pas un journaliste à se comporter en procureur, tel encore Edwy Plenel dans le Figaro :
"Je le dis comme je le pense, François Hollande n'a pas d'excuse. Il n'en a aucune (...) François Hollande savait exactement ce que tout le monde savait"
"Tout cela était sous les yeux (...) Les informations étaient sur la table de manière très documentée dès le début décembre"
"Ce qui n'est pas normal en démocratie, c'est qu'un journal doive se battre pendant quatre mois pour légitimer ses informations, alors que ces informations, elles étaient là, sous les yeux de tout le monde"
Et bien non monsieur Plenel, tout n'était pas "sur la table de manière très documentée". Car souvenons-nous des premiers articles de Médiapart sur cette affaire : le site affirmait que Jérôme Cahuzac disposait de fonds dissimulés dans des comptes à l'étranger (en Suisse puis à Singapour), et spéculait sur leur utilisation dans le cadre de l'achat par le couple Cahuzac d'un appartement avenue de Breteuil. Le tout accrédité par le témoignage d'un ancien agent du fisc, Rémy Garnier (qui n'est pas la source de Médiapart), lui-même peu catégorique sur la question :
Jérôme Cahuzac "a acquis son appartement parisien situé avenue de Breteuil pour le prix de six millions et demi de francs, financé comptant, en début de carrière, à hauteur de quatre millions dont l'origine reste douteuse".
Qu'en est-il de cette piste aujourd'hui ? On sait que Cahuzac a entretemps publié le détail du financement de cet achat, et même si les faits incitent désormais à la prudence pour tout ce qui concerne la défense de l'intéressé, difficile d'admettre même aujourd'hui que cette allégation fût fondée. Dans le cas contraire, nul doute que Médiapart aurait continué d'appuyer là où ça fait mal pendant des semaines, fidèles à leur technique de feuilletonnage. Donc parmi "les informations (qui) étaient sur la table de manière très documentée dès le début décembre", "sous les yeux" de François Hollande désormais associé au déshonneur de son ministre déchu, en voici au moins une de particulièrement frelatée. Hollande aurait-il dû démissionner son ministre sur ces seules affirmations ? N'oubliez jamais, toute affirmation est réfutable, toute preuve est critiquable, même affublée du conditionnel.

Reste l'histoire des comptes dissimulés. La principale preuve ? Un enregistrement de médiocre qualité, obtenu dans des conditions rocambolesques par l'un des principaux opposants politiques locaux à Cahuzac. Là encore, pourquoi accorder plus de crédit à sa véracité qu'à la thèse inverse, celle de la manipulation ? Médiapart disposait-il de preuves plus probantes de sa véracité, qu'ils auraient dissimulé au public afin de maintenir le suspense ? Non pas que je critique le feuilletonnage, tout à fait légitime quand on est un organe de presse dont la survie dépend de ses ventes (j'achète avec plaisir le Canard Enchaîné toutes les semaines depuis presque 20 ans). Vous ne me verrez jamais faire ce procès. Mais admettez toutefois qu'il neutralise complètement l'attaque de Plenel envers Hollande. Difficile en effet de reprocher à Hollande de n'avoir pas agi face à des éléments aussi peu probants alors qu'il a démissionné son ministre moins de trois heures après que la justice les aie validés en ouvrant une enquête. Si les journalistes ne doivent pas se substituer à la justice, le Président de la République non plus, la séparation des pouvoirs est la base de notre démocratie si chère à Plenel.

"Ce que tout le monde savait", les lecteurs de Médiapart l'ignoraient, je l'ignorais, et même Médiapart semble-t-il l'ignorait. Car où sont ces fameuses preuves, hormis celles qu'on connait déjà ? Si elles existaient, ils les auraient déjà publiées, d'autant plus qu'il n'ont désormais plus aucune raison de les garder pour eux-mêmes. En réalité ni Médiapart, si ses lecteurs, ni même le Président de la République, n'ont les pouvoirs d'un juge d'instruction qui peut ordonner une commission rogatoire internationale pour aller perquisitionner une banque suisse. Et hormis ce fameux enregistrement (finalement authentifié, mais comment le prédire à l'époque ?), aucun autre élément n'est venu de Médiapart étayer cette thèse jusqu'aux aveux de l'ex-Ministre, or c'est bien le travail de la justice et non celui de Médiapart qui l'a poussé à les faire.


Que reproche donc Edwy Plenel à François Hollande ?


D'avoir eu des doutes sur le travail de Médiapart ? Mais c'est à Médiapart d'être convaincant. Au contraire, Médiapart entend désormais qu'on prenne leurs affirmations pour argent comptant sur la seule foi de leurs succès passé. Alors qu'il a fallu une expertise technique suivi d'une commission rogatoire pour confondre le ministre. Quand Plenel se plaint qu'il "n'est pas normal en démocratie (...) qu'un journal doive se battre pendant quatre mois pour légitimer ses informations, alors que ces informations, elles étaient là, sous les yeux de tout le monde", il affirme que le travail d'un journaliste vaut celui d'un juge, ce qui est choquant. On doit juger d'une preuve sur sa valeur intrinsèque et pas sur celui qui l'avance.

De ne pas avoir mené d'enquête de son côté ? Mais ce n'est pas son rôle de se substituer à la justice. Au contraire il doit la laisser travailler en toute indépendance et sérénité, ce qui a été fait. Si Hollande l'avait fait, j'aurais été le premier choqué, au nom de la séparation des pouvoirs, que le pouvoir exécutif diligente une enquête parallèle avec tous les soupçons que ça implique. On ne peut pas non plus reprocher à Hollande de ne pas avoir voulu obtenir des éléments d'enquête de façon détournée, c'eut été une violation du secret de l'instruction, d'autant plus inacceptable qu'elle aurait été commise par celui-là même qui est en le garant constitutionnel.

De ne pas avoir démissionné Cahuzac plus tôt ? Mais ce n'est pas à la presse d'exiger le départ d'un ministre mis en cause. Au contraire, Hollande a réagi moins de trois heures après l'ouverture d'une enquête par la justice suite à la validation de la bande sonore. A-t-on déjà vu réaction plus vive à l'encontre d'un responsable politique même pas mis en examen ?


En réalité Edwy Plenel reproche à François Hollande d'avoir laissé fonctionner la justice de façon indépendante plutôt que d'avoir suivi aveuglément l'avis d'un organe de presse, aussi respectable fut-il. Or, n'en déplaise à Edwy Plenel, même si la presse a un rôle essentiel en démocratie, elle y a aussi une place à tenir et ne saurait empiéter sur celle des autres. La séparation des pouvoir, c'est le fondement de la démocratie tant chérie par Edwy Plenel. Et un régime où un ministre doit démissionner sitôt sa mise en cause par un organe de presse, quel qu'il soit, je n'en veux pas.


Je continuerai à lire Médiapart avec la même vigilance qu'auparavant pour tout organe de presse digne de ce nom. J'espère qu'en retour Médiapart et son dirigeant Edwy Plenel continueront à faire reculer la corruption tout en évitant le piège de l'hybris, au risque de finir comme Prométhée ou Icare.

lundi 1 avril 2013

En France comme en Europe, l'échec c'est la droite


Dans le précédent billet je vous parlais du test politique américain Politicaltest. J'avais déjà fait un test similaire il y a quelques années avec des résultats comparables : Political Compass. Leur classification se base sur deux axes libertaire-autoritaire et gauche-droite.


Au passage voici leur répartition des gouvernements de l'UE en 2012 :


Et ici la répartition de différents dirigeants internationaux, dont François Hollande et d'autres dirigeants européens. On n'apprend pas grand chose de ce qu'on sait déjà, à savoir qu'Hollande est de centre-gauche, que le Grec Alexis Tripras n'en est pas si éloigné (n'en déplaise au Front de Gauche), que Chavez avait un certain penchant pour l'autoritarisme (itou), et que la gauche est malheureusement minoritaire un peu partout :


On comprend mieux pourquoi il est si difficile pour Hollande d'influer en quoi que ce soit sur les grandes orientations de l'UE, notamment sur cette obsession de l'austérité budgétaire qui détruit lentement mais surement notre économie tandis que le reste du monde connaît déjà une forte reprise économique.

En France comme en Europe, l'échec c'est la droite.

Je suis un social démocrate cosmopolite !

Dans le précédent billet Via le site américain Politicaltest. Ce test tourne depuis quelques jours sur de nombreux blogs (chez Juan et d'autres que j'ai oubliés), je l'avais déjà fait il y a quelque temps mais c'était l'occasion pour une mise à jour.