mardi 18 août 2015

Les connards sur Twitter et ailleurs

Ce matin je suis tombé coup sur coup sur cet article d'Authueil puis sur celui de Jegoun qui rebondit sur le premier (pas de blagues sur les gros, s'il vous plait). Ça m'a remémoré un épisode survenu le 14 juillet dernier dont au sujet duquel j'aurais dû écrire un article si j'étais moins feignant, mais passons. En plus j'étais en vacances. Ne me jugez pas. En tout cas ceci est l'occasion de me rattraper un peu.

Le 14 juillet 2015, disais-je, le mannequin-chanteur Baptiste Giabiconi avait tweeté :


Let the shitstorm begin. Sitôt le message publié, toute la twittosphère s'est empressée de se foutre de la gueule du pauvre Baptiste accusé de s'être trompé de date ou de fêter un anniversaire sans intérêt. Forcément, pour ces crétins condescendants, un mannequin c'est forcément débile et puis tout le monde sait que le 14 juillet c'est la prise de la Bastille en 1789, nespa ? Le pauvre Baptiste a dû quasiment s'excuser à plat ventre et se justifier publiquement de la date choisie, 1945, comme si elle était sortie de nulle part. Avant de retirer son tweet et ainsi donner raison aux trolls.

Sauf que.

D'abord, je tiens à préciser au cas où ce ne serait pas évident que je me contrefous de Baptiste Giabiconi et que je n'ai aucun intérêt particulier à le défendre plus qu'un autre. J'ai envers lui la même indifférence bienveillante qu'envers le reste de mes congénères (du moins les jours où je suis de bonne humeur, le reste du temps vous pouvez tous crever). Mon genre de mannequin c'est plutôt ça :

(photos de gonzesses en bikini, ne me remerciez pas ça fait plaisir)

Sauf que, disais-je, premièrement, le 14 juillet ce n'est pas QUE la prise de la Bastille en 1789 mais aussi la Fête de la Fédération en 1790, c'est même un peu pour ça que le 14-juillet est devenu fête nationale dans un but de réconciliation, comme je m'évertue à l'enseigner tous les ans à mes enfants. D'ailleurs les textes officiels ne mentionnent JAMAIS la date de 1789 ni celle de 1790, mais uniquement le 14-juillet. Parions que si Twitter avait existé en 1990, tous les abrutis qui peuplent ce réseau antisocial se seraient foutus de la gueule de quiconque aurait fêté le bicentenaire du 14 juillet 1790.

Sauf que deuxièmement, le 14 juillet 1945 est parfaitement digne d'être célébré pour son 70e anniversaire, il s'agit en effet de la première Fête Nationale depuis la Libération et la fin de la guerre (combo) et qu'elle avait donné lieu à trois jours de réjouissances. D'ailleurs si vous tapez "14 juillet 1945" dans Google vous tombez sur un certain nombre d'articles sur cet événement historique ... intercalés avec des articles sur le tweet de Giabiconi. Hiérarchie de l'information 2.0...



Donc moi je rentre de vacances quelques jours plus tard, je tombe par hasard sur un article parlant de ce buzz en contreplaqué, je m'en vais voir de quoi ça cause vu que j'ai que ça à foutre, et là, incroyable mais vrai, je ne comprends absolument pas le problème avec le tweet de Baptiste Giabiconi. Au contraire je le trouve parfaitement à propos jusque dans le choix des hashtags : #70ans (1945-2015 je confirme ça fait bien 70 ans), #france (ben oui, le 14 juillet, essayez de faire un petit effort pour suivre bordel), #paix (1945 juste après l'armistice), #liberté (première fête nationale après la Libération), #fier (on a le droit d'être patriote, ce n'est pas sale). En revanche je suis ébahi par le déluge de conneries qui suit. Extraits :

http://www.20minutes.fr/people/1651735-20150715-video-baptiste-giabiconi-fete-twitter-14-juillet-1945
Hilarité et consternation sur Twitter. Le mannequin et chanteur Baptiste Giabi­coni a publié ce mardi à l’occasion de la Fête nationale le tweet suivant : « Devoir de mémoire. 14 juillet 1945 – 14 juillet 2015 #70 ans #France #paix #liberté #fier ». Son tweet n’a pas échappé à la vigilance des internautes. Le jeune homme, rapidement devenu la risée du Web, a depuis supprimé son tweet.
Fermez le ban. "La vigilance des internautes", d'habitude ça sert au fact-checking des conneries publiées dans la presse aux ordres, ici ça me fait plutôt penser à des milices de la bien-pensance qui patrouillent avec leurs torches sur les routes de l'information. Et ça continue sur les médias classiques :

http://www.voici.fr/news-people/actu-people/baptiste-giabiconi-celebre-le-14-juillet-1945-et-se-prend-la-honte-564999
Baptiste Giabi­coni célèbre le 14 juillet… 1945 et se prend la honte
Le petit Baptiste Giabi­coni n’était visi­ble­ment pas très atten­tif en cours d’his­toire-géo : le mannequin a fêté ce mardi la Libé­ra­tion de 1945. Raté : le 14 juillet, c’est le jour de la prise de la Bastille, en 1789. Evidem­ment, le pauvre garçon a été vive­ment moqué.
Ça partait d’une belle inten­tion, mais c’est devenu un bon gros fail. Ce mardi, comme beau­coup d’in­ter­nautes, Baptiste Giabi­coni s’est fendu d’un petit message pour célé­brer la fête natio­nale. Il a donc posté une vieille photo sur Insta­gram, avec une légende poignante sur l’His­toire de France. Le souci, c’est qu’il s’est trompé dans les grandes largeurs. « Devoir de mémoire. 14 juillet 1945 – 14 juillet 2015 #70 ans #France #paix #liberté #fier », a-t-il écrit, pensant bien faire. Malheu­reu­se­ment, son post a dû faire hallu­ci­ner tous les profes­seurs d’his­toire-géogra­phie : pour rappel, le 14 juillet dont il est ques­tion corres­pond à la prise de la Bastille en 1789. Très loin de la Libé­ra­tion, donc.
Rapi­de­ment, Baptiste Giabi­coni est devenu la cible de nombreuses moque­ries sur les réseaux sociaux. Sacré « cham­pion » du fail par des dizaines d’in­ter­nautes en pleine crise de rire, il fait le choix très judi­cieux de ne pas répondre et de suppri­mer discrè­te­ment son message, comme si de rien n’était. La prochaine fois, il fera plus atten­tion. Bonne nouvelle, d’ici le 11 novembre, il a large­ment le temps de révi­ser.
Mais bon, c'est Voici, on va pas leur demander de faire dans le culturel. Contrairement aux Inrocks :

http://www.lesinrocks.com/inrocks.tv/baptiste-giabiconi-explique-pourquoi-il-a-celebre-hier-le-14-juillet-1945/
Il a bien fait rire Twitter hier. Baptiste Giabiconi, mannequin et chanteur, avait mis les pieds dans le plat en déclarant sur le réseau social : “Devoir de mémoire 14 juillet 1945 – 14 juillet 2015 #70ans#France#paix#Liberté#fier“. Patatras.
Invité de l’émission du Tour de France, “Village départ” sur France 3, le chanteur a été questionné par l’animateur Laurent Luyat. “Je voulais tout simplement célébrer les 70 ans du 14 juillet après 1945“, s’est justifié Baptiste Giabiconi. “Après la Libération ?“, a relancé l’animateur de l’émission. “Exactement !” a répondu Baptiste Giabiconi, relevé par Ozap.
“Tu ne t’es pas trompé ?“, lui relance alors Laurent Luyat. “Peut-être que les gens ont mal compris, ont fait l’amalgame. En tout cas, c’était ce que je voulais dire. Je me suis peut-être mal exprimé“, a répondu le chanteur. Avant de conclure : “Je sais que c’était le 14 juillet 1789 quand même. Je connais quand même un petit peu mes classiques“. Ne change rien.
"Ne change rien". Et toi va t'acheter un livre d'Histoire, espèce de pigiste inculte de merde. Tu vois moi aussi je peux être insultant mais au moins je ne dissimule pas ma connerie sous une couche de condescendance branchouille. Quant à Laurent Luyat, son niveau culturel le qualifie directement pour aller officier comme plombier sur les robinets à merde de la TNT.


Allez lire l'article d'Authueil, il est très bien. Il évoque Jean Quatremer qui se plaint que tous les avis se valent sur les réseaux sociaux, et Vincent Glad qui lui tombe dessus parce qu'au contraire il trouve ça bien et démocratique. Moi tout ce que je vois c'est une horde de sycophantes 2.0 imbus de leur personne et à l’affût de leur quart d'heure de gloire en 140 caractères, déverser gratuitement leur ignorance crasse sur un gars dont le seul tort est d'être mannequin et d'avoir publié un tweet qu'ils n'ont pas fait l'effort de comprendre.

Cela dit le problème n'est pas inhérent aux réseaux sociaux mais au fait qu'ils soient en majorité peuplés de cons, comme dans la vraie vie, j'en veux pour preuve la moutonnerie dont font preuve les médias classiques dès qu'il s'agit de se joindre à une bonne chasse à l'homme surtout si la cible est facile. D'où le titre de ce billet.